“Au XIXe siècle, on a recruté des bras. Au XXe siècle, on a recruté des cerveaux. Au XXIe, on recrute des cœurs”

Mokhtar Zannad, Directeur Général de Nielsen,
Lauréat du prix de l’Entreprise innovante, édition 2016, du Forum Hub Africa.

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Côte d'ivoire : Désertification et RSE subie, l'industrie du cacao et leurs investisseurs doivent payer 

Lors du séjour à Abidjan du 10 au 14 juillet, nous aurons l’immense plaisir d’échanger avec les parties prenantes ivoiriennes sur la dynamique de Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE) dans le pays.

L’occasion aussi de relancer le concept de « RSE subie » que nous avons développé, il y a une dizaine d’année.

Face à la désertification en Côte d’Ivoire et dans le cadre de la RSE subie, l’industrie du cacao et leurs investisseurs (banques, compagnies d’assurances, fonds, etc.) doivent financer l’ « Initiative d’Abidjan ». 

Elle a été lancée par le Président de la République S.E Alassane OUATTARA, le mois dernier à l’issue de la 15ème Conférence des Parties (COP15), de la Convention des Nations Unies pour la Lutte contre la Désertification, qui a eu lieu en Côte d’Ivoire du 9 au 20 mai 2022.

La situation de la désertification et de la sécheresse en Côte d’Ivoire est très critique.

Selon le Chef d’État Ivoirien « la superficie forestière du pays qui représentait 16 millions d’hectares dans les années 1900, n’était plus que de 2,9 millions d’hectares en 2021. »

Les projections présentées par le Président de la République sont très inquiétantes « Au rythme actuel, celle-ci (la superficie forestière, ndlr) pourrait disparaître entièrement à l’horizon 2050. » 

Tout en précisant que l’impact des phénomènes climatiques sur les terres se pose avec acuité en Côte d’Ivoire, le Président de la République S.E Alassane OUATTARA présente la gravité de la situation « la désertification et la sécheresse touchent 60 % du territoire national et 90 % de sa partie septentrionale, et bouleversent profondément les secteurs de l’agriculture et de l’agro-industrie, socle de l’économie nationale. La désertification et la sécheresse sont sources de migration et de conflits intercommunautaires. Ces fléaux constituent également une menace pour notre sécurité énergétique et sanitaire et, à long terme, pour la paix. »  

Avec un budget estimé à 1,5 milliards de dollars sur 5 ans (2022-2027), l’Initiative d’Abidjan vise à promouvoir une politique ambitieuse de développement durable, tout en renforçant la productivité et le dynamisme agricole de la Côte d’Ivoire en s’appuyant sur quatre axes stratégiques qui sont :

  • La lutte contre la déforestation et la restauration des forêts et des terres dégradées,
  • L’amélioration de la productivité des sols,
  • La résilience des chaînes de valeur actuelle,
  • L’identification des chaînes de valeur de l’avenir.

Comme le Gouvernement Ivoirien compte également sur l’implication du secteur privé dans l’Initiative d’Abidjan, nous suggérons de rajouter un cinquième axe stratégique sur la Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE) avec une exigence particulière sur l’Objectif de Développement Durable N°15 (ODD 15) « Préserver et restaurer les écosystèmes terrestres, en veillant à les exploiter de façon durable, gérer durablement les forêts, lutter contre la désertification, enrayer et inverser le processus de dégradation des terres et mettre fin à l’appauvrissement de la biodiversité. » 

Dans une logique de Partenariat Public Privé (PPP), les entreprises seraient invitées à contribuer à la réussite de l’Initiative d’Abidjan et plus globalement à l’atteinte de l’ODD 15 en Côte d’Ivoire.

Mais dans le cadre d’une RSE subie, l’industrie du cacao aura l’obligation non seulement de financer l’Initiative d’Abidjan mais également de mettre en place un plan d’actions ambitieux pour les différentes cibles de l’ODD 15.

En effet, les Autorités Ivoiriennes désignent désormais la culture du cacao comme responsable de la déforestation du pays et de la perte de la fertilisation des sols.

C’est ce qui est indiqué dans le communiqué de la Présidence de la République du 23 mai 2022 « Au cours des soixante dernières années, notre pays a perdu 90 % de sa couverture forestière et les sols ont perdu de leur fertilité. Les cultures de rente, comme le cacao, ont contribué à ces dégradations. » 

Dans une interview accordée à RFI le 9 mai 2022, S.E. Jean-Luc ASSI, Ministre de l’Environnement et du Développement Durable de Côte d’Ivoire est encore plus précis « En ce qui concerne le cacao ivoirien, il a été récemment démontré que le développement de l’économie du cacao a entraîné effectivement une déforestation. Ça, on peut le dire, à peu près 60 % des superficies forestières. Donc pour restaurer ces terres ivoiriennes, il faut mettre en place un vaste programme de reconstitution du couvert forestier. Donc il y a un vaste programme jusqu’à 2030. » 

En plus des industries du cacao, les banques, investisseurs et fonds qui les financent doivent également mettre la main à la poche, dans le cadre de la RSE subie, pour le financement de l’Initiative d’Abidjan et de l’ODD 15.  

Grâce aux leviers financiers, ces investisseurs ont également contribué (et contribuent) à la déforestation et à la désertification de la Côte d’Ivoire. 

Après l’analyse des risques environnementaux, c’est de leur responsabilité soit de refuser le financement soit de le valider mais en exigeant au bénéficiaire la mise en place d’un plan ambitieux de réduction des impacts environnementaux et de compensation de la perte de la biodiversité liée à la culture du cacao. 

L’économie ivoirienne est basée essentiellement sur le secteur agricole, qui représente près du quart du Produit Intérieur Brut (PIB), plus de 75 % des exportations et emploie près de 70 % de la population active.

La Côte d’Ivoire est le leader mondial de la production du cacao avec plus de 40 % de la production globale.  

La filière cacao pèse énormément dans l’économie ivoirienne. Elle représente 10 à 15 % du PIB du pays, près de 40 % des recettes d’exportations et fait vivre 5 à 6 millions de personnes, soit un cinquième de la population ivoirienne selon la Banque Mondiale. 

Compte-tenu des externalités négatives, la question de la pérennité à moyen et long terme du mode actuel de fonctionnement de l’économie du cacao en Côte d’Ivoire est désormais posée.

Quand la Côte d’Ivoire gagne 1 000 dollars de PIB grâce à la vente du cacao brut, le pays perd combien de dollars à cause des externalités négatives directes et indirectes (environnementales, sociales, etc.) liées à sa culture ?   

Sans attendre les répercussions d’une RSE subie ou d’une RSE régulée, l’industrie ivoirienne du cacao gagnerait à prendre le leadership d’une démarche RSE stratégique ambitieuse avec un fort impact sur l’ODD 15.

Grâce à leurs importants moyens de pression, les entreprises et leurs investisseurs qui bénéficient actuellement de l’économie du cacao en Côte d’Ivoire peuvent toujours mobiliser toute leur énergie pour le maintien du statut quo. 

Mais ils finiront bien par payer. Ce n’est qu’une question de temps. Et plus le temps va passer et plus salée sera la facture. 

Tel est l’ADN de la RSE subie.

  

Thierry TENE

Associé et Directeur

Afrique RSE

Coordonnateur du réseau RSE ODD Afrique

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